Retrouvez toute l'actualité nautique :
  • Site de Voile et Moteur

Juridique : La garantie des vices cachés après l'achat d'un bateau

25/04/2017

JURIDIQUE HENRI JEANNIN

A travers cette nouvelle rubrique, nous aborderons le domaine de la plaisance à travers l’œil du juridique. C’est Henri Jeannin, avocat au barreau de Paris, qui répond ici à la question d’un lecteur concernant les vices cachés et les garanties.

« J'ai acheté un Jeanneau Sun Odyssey 31 d'occasion il y a six mois, à un particulier. J'ai fait expertiser cette unité par un expert maritime qui n'a relevé aucun dommage. Le concessionnaire chez qui j'entretiens le bateau a découvert en démontant un plancher qu'une varangue est gravement fissurée, probablement suite à un talonnage. Quels sont mes recours ? S'agit-il d'un vice caché ? Vers qui me retourner : l'expert ou le particulier ? » Benoît Trouchereau, Angers

 

En tant que particulier, vous êtes en bonne position pour exercer un recours contre votre vendeur, même si vous avez fait appel à un expert pour vous assister au moment de la vente. Dans votre cas la découverte de la varangue cassée n’a pu se faire qu’après un démontage du plancher lors d’un entretien approfondi effectué par un chantier concessionnaire. Normalement, l’expert qui vous accompagne pour effectuer une visite de pré-achat, n’est pas normalement chargé de procéder à un examen poussé des structures du navire et une visite des fonds. Très souvent il peut ne voir le voilier qu’à flot et pas au sec sur bers. Si le bateau a été vu à terre, et qu’il présentait des traces de talonnage qui ont échappé à l’œil de l’expert, sa responsabilité peut être alors recherchée. Mais il y a fort à parier, sauf à tomber sur un expert très négligent ou incompétent ce qui est rare, que le talonnage était indécelable. Il n’y aura donc normalement pas lieu d’envisager de mettre en cause votre expert.

 

Définir le vice caché. Il va falloir en revanche vous retourner contre le vendeur qui doit vous garantir légalement contre les vices cachés. Le défaut qui a été décelé par votre concessionnaire constitue à l’évidence un vice caché. Selon la définition légale, pour être qualifié de vice caché un défaut qui doit remplir trois conditions cumulatives :

- être présent au moment de l’achat,

- rendre le bateau impropre à son usage ou y porter atteinte d’une manière telle que l’acheteur ne l’aurait pas acquis ou aurait demandé un prix très inférieur,

- ne pas avoir été apparent au moment de l’achat.

A première vue, dans votre cas le défaut découvert répond à ces trois conditions. En matière nautique, c’est souvent un vice de construction, un vice de conception, ou un défaut caché consécutif à un accident qui ne vous a pas été signalé et a été mal réparé. Il faut noter que le vendeur d’un bateau d’occasion est tout comme le vendeur d’un bateau neuf tenu à la garantie des vices cachés. Bien sûr cette garantie ne couvre pas la vétusté qui n’est pas en soi un vice ! Une fois ce petit diagnostic juridique établi, il convient d’évaluer le montant de la réparation ou de la remise en état. Si la somme est élevée et que le vendeur rechigne à payer amiablement, avant de le poursuivre devant un Tribunal pour obtenir une indemnité compensatrice ou faire invalider la vente, la meilleure solution est de déclencher une procédure de référé afin de faire désigner un expert judicaire.

 

Un expert judiciaire. Il faut en effet savoir que l’expert judiciaire désigné par un Tribunal est un technicien compétent en matière de nautisme (choisi sur une listes officielle de la Cour d’Appel) qui va opérer de manière contradictoire en présence du vendeur et va vous permettre d’établir de manière incontestable que le vice était bien caché et antérieur à la vente. Il est également chargé de chiffrer le coût des réparations. Evidemment une expertise judicaire a un coût très variable qui peut aller de 1 000 € à 20 000 € pour les dossiers les plus compliqués nécessitant des investigations complexes et l’appel à des spécialistes ou des laboratoires (analyse métallurgique, recherche de l’origine d’un incendie, qualité des stratifiés, etc.). C’est vous, demandeur à l’expertise, qui avancerez les frais, mais vous en obtiendrez le remboursement intégral par le vendeur dans le cadre de la procédure au fond ultérieure, si l’expert judicaire vous a donné raison.

 

Le juge saisi d'une demande. L’avantage d’une expertise judiciaire favorable à vos intérêts, c’est qu’elle est bien sûr opposable au vendeur et que ses conclusions sont suivies dans 90% des cas par le juge lorsqu’il est saisi ensuite d’une demande en résolution de la vente ou d’indemnisation. L’acheteur victime d’un vice caché a le choix entre la résolution de la vente (annulation de la vente avec remboursement du prix par le vendeur et restitution du bateau en contrepartie), ou une restitution d’une partie du prix qui correspondra au coût des travaux de remise en état (action estimatoire). Si votre vendeur est de mauvaise foi (parce qu’il a sciemment omis de vous signaler le talonnage que son bateau avait subi en navigation) il peut être condamné à des dommages et intérêts complémentaires.

 

Le délai de procédure. Bien entendu, une expertise judiciaire dure souvent une bonne année voire deux ans pour les dossiers complexes, et il faudra que vous puissiez la financer. Dans certains cas quand le vendeur veut faire traîner les choses en dépit d’une expertise judiciaire qui lui est défavorable, il va falloir que vous poursuiviez la procédure devant un Tribunal de Grande Instance et que vous attendiez encore un an ou deux ans avant d’avoir un jugement. Il faut donc vous armer de patience, mais au bout du compte les intérêts courent en votre faveur et votre vendeur qui succombe ne l’emportera pas au paradis. Il supportera outre les frais d’expertise, une indemnité de procédure comprise entre 1000 et 10 000 € (pour les plus gros dossiers) et divers frais comme les frais de stationnement (dans l’attente des travaux de réparation) les frais d’assurance (lorsque votre bateau est immobilisé) et une indemnité pour perte de jouissance que vous pouvez calculer sur la base des tarifs de location d’un bateau équivalent pendant les périodes où vous auriez utilisé votre bateau.

 

Dépôt du rapport d'expertise. Un vendeur raisonnable aura donc tout intérêt à transiger rapidement avec vous après le dépôt d’un rapport d’expertise judicaire qui confirme que le bateau qu’il a vendu était atteint d’un vice caché. En l’absence d’expertise judiciaire, une simple expertise amiable, même contradictoire, est souvent considérée comme insuffisante par le juge, et le recours contre le vendeur est beaucoup plus aléatoire. En effet un vendeur un peu avisé se fera souvent assister d’un expert qui sera rarement d’accord avec son confrère adverse sur l’origine du vice et sur le montant des dommages. Dans le meilleur des cas lorsque le juge s’estime insuffisamment éclairé, il peut de lui-même ordonner une expertise judiciaire. Mais il peut également vous débouter purement et simplement en considérant que vous n’avez pas apporté la preuve incontestable de l’existence d’un vice caché antérieur à la vente.

 

Deux ans après la découverte. Enfin, dernière chose, lorsqu’un vice est découvert, il convient de ne pas trop traîner. La loi a changé en février 2005 et ne parle plus de bref délai (formule qui était sujette à des variations choquantes d’interprétation de la durée de ce délai d’un tribunal à l’autre). Elle fixe maintenant un délai de deux ans à compter de la découverte du vice pour agir contre le vendeur, sous peine de prescription. Depuis une autre loi de juin 2008 (sur les prescriptions en matière civile) la procédure de référé-expertise a pour avantage de suspendre la prescription jusqu’à six mois après le dépôt du rapport de l’expert judiciaire. En résumé, la loi et la jurisprudence sont assez favorables à l’acheteur non-professionnel qui est victime d’un vice caché et qui n’a pas peur de faire un peu de procédure…

Henri Jeannin.

 

Henri Jeannin est avocat au barreau de Paris. Il est également membre correspondant de la Fédération des industries nautiques (FIN) et membre de l’Association française de droit maritime (AFDM). Il possède plus de 25 ans de pratique professionnelle principalement en droit de la plaisance, droit maritime et fluvial, droit des transports et droit des assurances.

Henri Jeannin - 7, rue Saint Lazare - 75009 PARIS. Tél. : 01 43 12 39 50 – mail : HJ@jeannin-avocats.fr - www.jeannin-avocats.fr

 

 

 

 

Retour à la liste

Pourquoi publier votre annonce sur l'argus du bateau ?
Une visibilité maximale
Votre annonce est diffusée sur les supports web, mobile et papier de l'Argus du Bateau ainsi que sur nos sites partenaires.
Votre dépôt d'annonce est gratuit
Publiez gratuitement votre annonce en quelques minutes seulement.
Des options pour vous démarquer
Vendez plus vite en multipliant par 4 la visibilité de votre annonce !