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Juridique : la responsabilité du chef de bord d'un bateau

26/07/2018

RESPON CHEF DE BORD

A travers cette rubrique, nous abordons le domaine de la plaisance à travers l’œil du juridique. C’est Henri Jeannin, avocat au barreau de Paris, qui nous parle ce mois-ci de la responsabilité du chef de bord.

Tout le monde connaît le mot anglais « skipper » qui vient du néerlandais et qui désignait le maître du navire ou son capitaine dès la fin du Moyen-Âge. En France le terme est apparu à la fin du XIXème siècle et désignait celui qui menait un yacht dans une course, puis s’est étendu à celui qui barre un navire de plaisance. Le droit français ne connaît pas ce terme et parle de chef de bord. En droit maritime commercial, son équivalent est le capitaine. Dans le monde de la de plaisance, la qualité de chef de bord peut se confondre avec celle de propriétaire de navire, le plaisancier naviguant souvent avec son propre bateau.

Le cas de la location

Ce n’est pas toujours le cas, lorsqu’il y a location, ou en matière sportive à l’occasion de régates. Le chef de bord est alors entouré d’équipiers, comme le capitaine assisté par ses marins. Nous ne parlerons pas ici du « skipper professionnel » qui relève pour partie du droit du travail maritime et dont la responsabilité se trouve généralement couverte par celui qui l’emploie (armateur, ou loueur) et garantie par une assurance spécifique.

Le terme de chef de bord est utilisé surtout en droit civil, le droit pénal ne retenant pas cette dénomination. Le Code des Transports (qui a absorbé en 2012 l’ancien Code Disciplinaire et Pénal de la Marine Marchande) au ne mentionne que le capitaine. L’article L5531-3 dudit code déclare ainsi que : « Le terme "capitaine" désigne le capitaine, le patron ou toute autre personne qui exerce de fait le commandement du navire. »

Des infractions maritimes spécifiques

Le chef de bord, pour quelques infractions maritimes spécifiques (refus d’assistance ou de secours par exemple punis par les articles 5262-5 et suivants du Code des Transports) peut donc se retrouver poursuivi comme un professionnel devant le Tribunal Maritime, juridiction pénale spéciale de type échevinale (qui s’est substitué au Tribunal Maritime Commercial supprimé en 2012). Pour toutes les autres infractions (homicide involontaire, coups et blessures involontaires, etc.), il est justiciable du Tribunal Correctionnel.

Comme on l’a déjà souligné, identifier le chef de bord a surtout un intérêt en matière sportive ou lors d’une location. Les loueurs de bateaux réclament souvent dans les contrats qu’une personne se désigne comme telle et justifie de son expérience nautique. En matière sportive, les organisateurs de course font souvent de même.

Le chef de bord est celui qui assure le commandement du navire, grâce à sa qualification ou de son expérience. C’est lui qui va choisir la route à suivre, tenir la barre ou au moins surveiller l’équipier qui s’en charge, vérifier le bon état du voilier avant de partir en mer, faire respecter les consignes de sécurité (port des gilets de sauvetage), communiquer avec les autorités portuaires ou le CROSS en cas d’événement de mer, mettre en œuvre les mesures d’urgence et envoyer les messages de détresse, puis rédiger le rapport de mer.


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La responsabilité est importante

Sa responsabilité est importante, elle est fondée soit sur la faute qu’il commet, soit sur une présomption de responsabilité. Le chef de bord est présumé responsable des dommages que la chose qu’il a sous sa garde (c’est-à-dire le navire) cause à autrui (un équipier, un invité, ou des tiers non embarqués), à un autre navire ou à des engins ou des installations portuaires ; il se trouve également présumé responsable des fautes commises par ses équipiers (qui sont au sens du droit civil ses « préposés »).

Lorsque le chef de bord n’est pas clairement identifié, il peut arriver qu’à la suite d’un accident, il y ait contestation sur le rôle de chacun des participants. La jurisprudence a connu quelques affaires retentissantes. Ainsi à l’occasion d’un naufrage pendant une régate de haut niveau qui avait coûté la vie à tout son équipage, la Cour de Cassation avait écarté en 1990, à la suite d’un premier pourvoi, la notion de garde collective que la Cour d’Appel avait attribué à l’équipage (chacune des victimes se retrouvant présumée responsable du naufrage), faute de preuve suffisamment établie de l’identité du chef de bord au moment des faits.

Après cassation, la Cour d’Appel de renvoi s’était alignée sur la position de la Cour Suprême, et avait désigné le propriétaire du navire qui était à bord comme étant le « skipper » présumé. Les héritiers de ce dernier et son assureur avaient déposé un nouveau pourvoi où ils invoquaient la notion d’acceptation des risques par l’équipage (puisqu’il s’agissait d’une course).

Des cas d'école

Mais la Cour de Cassation ne s’est pas ralliée à cette analyse et a décidé que le risque de mort ne pouvait pas être tenu comme un « risque normal et prévisible d’une compétition en mer de haut niveau ». Il faut également noter que le chef de bord qui veut échapper à sa responsabilité ou la partager, peut être tenté de mettre en cause l’organisateur de la régate ou le club de voile. Dans une espèce où un équipier expérimenté avait été gravement blessé par la bôme, à la suite d’un empannage pourtant annoncé par le chef de bord, la Cour d’Appel de Rouen a, en 2015, condamné le chef de bord tout en laissant à la charge de la victime un quart de la responsabilité, puisque celle-ci était très expérimentée et n’avait pas respecté le commandement du « skipper ». Mais elle a écarté toute responsabilité de l’organisateur de la course.

En revanche elle a décidé de façon surprenante de condamner partiellement le club de voile au titre d’un défaut d’information pour ne pas avoir conseillé à ses membres de souscrire une assurance de personnes proposant des garanties complémentaires à celles du club. Il est à noter que cette faute du club n’a, quant à elle, pas été prise en charge par son propre assureur !

Le cas de l'assurance

Cela nous ramène à l’éternelle question de l’assurance. Dans les polices plaisance classiques, la responsabilité du chef de bord est garantie au titre des dommages qu’il causerait à des tiers, à sa famille ou à des invités à titre gratuit. En revanche la participation à des régates est très souvent une cause d’exclusion.

Il convient donc d’être vigilant et de solliciter un avenant à son contrat ou une assurance spécifique dès que l’on a l’intention de participer à une course ou une régate, quelle que soit son niveau. En matière de dommages corporels, les condamnations peuvent être très lourdes et il est préférable d’être prudent pour ne pas y laisser trop de plumes…


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